Traduction commentée d’un très beau texte écrit par une personne autiste sur l’usage du langage

Je viens de lire un texte en Anglais écrit par Dawn Price, anthropologue, éthologue et auteure autiste, qui parle (entre autres) de la façon différente qu’ont les autistes d’utiliser le langage par rapport aux neurotypiques. Ce texte m’a à la fois fait réfléchir et émue, car l’écriture est très belle. Je n’ai pas trouvé de traduction en Français en faisant une recherche Google et j’ai trouvé cela dommage. Je vais traduire ici comme je peux, en essayant de ne pas trop massacrer l’original, que j’invite ceux qui le peuvent à lire. J’apporte d’autres éléments sur le sujet à la suite de la traduction.

« J’ai toujours eu un don pour le langage. J’ai parlé tôt, de façon bien articulée et pour moi, le langage était semblable à la nourriture. Chaque mot était comme une onomatopée, avait un goût et une odeur, et me nourrissait à sa manière unique. J’ingérais des mots, des phrases et des histoires comme si ma vie en dépendait. Tout comme la nourriture, je considérais le langage comme nécessaire à ma survie, tissant une grande toile d’interdépendances.

Ironiquement, j’ai toujours éprouvé des difficultés quand j’étais enfant à expliquer tout ce que le langage signifiait pour moi, me sentant enchevêtrée dans ce merveilleux tissu langagier. Le monde que le langage me révélait était toujours déchiré par mes tentatives d’utiliser le langage pour communiquer avec les gens. J’en savais assez pour me rendre compte que mon expérience du langage était très différente de celle des autres. Le langage me séparait des autres et renforçait mes handicaps sociaux. Ma façon de l’utiliser éloignait encore davantage la possibilité d’une communication véritable avec d’autres humains.

Par exemple, je me souviens quand j’ai appris le mot « hippopotame ». Mon jeu préféré à cette époque était d’arriver à toute vitesse dans la cuisine de mes grands-parents, où un adulte serait en train de crier un mot, puis de repartir aussi vite par le hall qui faisait le tour de la maison. « Hippopotame », je disais en entrant dans la chambre, et ce mot devenait associé à la sécurité de leur lit, à la commode en chêne contre le mur, aux couleurs pâles du maquillage de ma grand-mère. « Hippopotame », je disais en passant à toute vitesse devant la salle de bain, où le mot rejoindrait les odeurs et la chaleur du bain et le son de l’eau qui coulait. Je répétais ce mot, ou n’importe quel autre mot que j’apprenais dans ce jeu, en passant devant ma chambre, en montant les escaliers menant au salon peu éclairé. Chaque pièce donnait ses propriétés au mot et s’unissait à lui. Pour moi, quand quelqu’un me posait la question « as-tu besoin d’aller dans la salle de bain ? », la réponse « hippopotame » était correcte.

Pour moi, le langage se fondait inextricablement dans le contexte et les souvenirs. Ce mélange était la chose la plus importante au monde et tout, des salles de bains aux serpents, en passant par les chiens, était doté de langage. Si une chose existait, elle était une part intégrante et vivante du langage, et elle possédait une compréhension profonde de sa place dans les vibrations de la parole, dans les vibrations de la vie. Tout ce tissu d’êtres vivants et de langage était ce qui rendait mon univers magique.

Cependant, j’ai appris très tôt que pour la plupart des gens, le langage était une sorte d’arme plutôt qu’une brume amorphe se dégageant des eaux de la réalité. Il semblerait que, pour la plupart des humains qui en étaient dotés, le langage pouvait être considéré comme une activité violente, découpant le monde et les personnes en groupes séparés. Un couteau était juste un couteau et n’était pas lié à la dimension coupante du langage. Une chaise était juste une chaise sur laquelle rien ne reposait. Un souffle était juste un souffle, quelque chose de singulier, séparé du coeur, de l’atmosphère, et de la parole.

Inconsciemment, j’ai entendu des gens utiliser le langage pour provoquer la division. J’ai entendu des membres de ma famille prononcer les épithètes raciaux séparant entre eux les humains, ainsi que les dichotomies simples de la parole qui peuvent être résumés par « eux contre nous ». Blanc-noir, gros-mince, chrétien-païen, les morts et les vivants. A cela s’ajoutait que si quelqu’un parlait trop, on considérait que quelque chose n’allait pas chez lui. Ou, pire, si quelqu’un ne parlait pas du tout, on pensait que quelque chose n’allait vraiment pas chez lui.

Quand je parlais avec ma grand-mère des bébés nés dans les cultures bouddhistes, elle déclarait calmement qu’ils iraient tous en enfer. Elle soupirait tristement en acceptant le fait qu’ils pourraient devenir de bonnes personnes mais que cela ne ferait aucune différence à leur mort. La Bible le disait, me répétait-elle. Je lui soulignais que les bébés n’avaient aucune façon de dire, d’une manière qui serait considérée comme normale, s’ils croyaient ou non à Jésus. « Eh bien, Il connaît leurs coeurs », me répondait-elle. « Mais s’Il connaît leurs coeurs et que ce sont de bonnes personnes, pourquoi est-ce qu’ils n’iraient pas au paradis ? Et pourquoi les animaux ne pourraient pas aller au paradis si Dieu connaît leurs coeurs aussi ? ». Elle ne répondait jamais à voix haute à ces questions. Ainsi, j’ai su que le langage avait une importance pour les autres gens, mais d’une façon dangereuse. Le silence entre leurs mots était tout aussi coupant que le silence entre mes mots était rempli de connexions.

Quand j’étais jeune, je parlais aux animaux avec ce langage du silence. Je savais ce que les arbres et les rivières disaient car ils me parlaient. Je savais ce que les cloportes et les serpents disaient parce qu’ils me façonnaient. J’ai grandi avec eux dans un monde rempli d’une toile de mots où chaque chose dépendait de tout le reste. Parfois, mon grand-père me demandait dans le jardin « Que disent les vers de terre aujourd’hui ? ». « Bonne bonne terre ramper pousser bons légumes pourris », je répondais en souriant. Mon grand-père, avec son amour et sa compréhension, ne m’a jamais dit combien il était important de parler comme les autres à qui j’étais censée ressembler. Il n’y avait pas de place dans les conversations avec les autres pour répéter que les plants de tomates avaient dit « Soleil été chaud, pousser pousser légume, vert orange rouge ». Ou que le poisson avait dit « Froid flotter ombre ombre ombre ».

A l’école on se moquait de moi. Encore le langage coupant, encore le langage comme arme. Ce que les professeurs ne disaient pas parlait de lui-même. J’étais bizarre. J’étais même folle. Fainéante de nombreuses manières, je ne faisais pas le travail. Ils disaient que toutes leurs paroles entraient par une oreille et ressortaient par une autre, comme si je n’avais pas les mots que les autres apprennent tôt pour éviter que les conversations normales ne s’évaporent.

Je ne sais toujours pas comment j’ai pu passer chaque fois dans le niveau supérieur en ayant autant de déficiences, mes tentatives pour trouver des solutions se révélant toujours inefficaces. J’échouais encore et encore, mais je passais quand même. J’ai arrêté l’école avant le Bac cependant, et je me souviens que c’était suite à une chose que quelqu’un m’a dit un matin. Je trouve que c’est amusant de ne pas me souvenir de ce que cette personne m’a dit, de ce qui m’a poussé à partir et à ne plus jamais revenir. Je trouve cela amusant car les souvenirs, le langage et les liens logiques étaient ce qu’il y avait de plus important pour moi même à cette époque, mais je ne me souviens pas de ce qui m’a poussée à tout laisser en arrière.

Après des années à vivre incomprise en tant que personne autiste, j’en étais arrivée au point où j’avais même cessé de parler aux plantes et aux animaux parce qu’il y avait juste la souffrance, et la souffrance a son propre langage riche, un langage sans aucun silence ni possibilité de lien. Dans le vacarme de la ville, sans autre domicile que la cage de cris dans ma tête, je me suis rendue au zoo un jour. De nombreuses personnes connaissent mon histoire – que j’y ai trouvé un lien immédiat avec les gorilles, qu’ils m’ont réappris le langage et le sentiment d’être entière, et qu’ils m’ont enseigné leur propre langage, où la connaissance avait une saveur différente. Avec leur manière lente de raconter des histoires, ils m’ont permis d’envisager une nouvelle vie avec une fin plus joyeuse.

Mon sentiment d’être une personne étant revenu, j’ai été encouragée à retourner à l’école. J’y ai redoublé d’efforts pour suivre les règles de langage que les gens normaux utilisent. Il était peut-être plus facile pour moi de suivre certaines règles car j’étais à présent dans un cadre universitaire et ces règles étaient très explicites. Par exemple, il faut toujours dire quand et où quelqu’un a inventé une idée avant toi. Il faut montrer que tes idées ne sont pas originales, mais qu’elles s’appuient sur des idées plus anciennes, plus particulièrement les idées personnes qui ont appris à suivre les règles et à  préciser ce que d’autres ont dit avant eux. Un autre exemple, la nécessité de montrer une distanciation vis à vis de ce dont l’on parle, parce que si l’on éprouve des sentiments forts à ce sujet, alors on manque d’objectivité. La raison pour laquelle des gens voudraient écrire et parler de sujets sur lesquels ils n’avaient pas d’opinion m’échappait, mais j’ai essayé de suivre les règles.

Je me souviens d’avoir essayé de décrire dans ce langage académique un singe bonobo que j’avais rencontré quand j’étais professeur. Kanzi, une personne née en captivité, est resté célèbre pour sa participation à de nombreuses études sur le langage. Il utilisait une planche de bois sur laquelle les mots étaient représentés par des symboles abstraits. Je lui ai rendu visite en Géorgie à l’invitation de sa partenaire, Sue Savage-Rumbaugh. Sue nous a laissés seuls pour que nous puissions faire connaissance. Naturellement, j’ai utilisé le langage des gorilles que je connaissais, un langage du corps, de l’esprit et de l’âme. Kanzi et moi avons joué à nous poursuivre le long de la clôture, tous les deux à quatre pattes, en souriant au milieu d’un flot d’amusement et de souffles courts.

Tout à coup, il s’est arrêté et il a ramassé sa planche de bois sur laquelle étaient inscrits les mots-symboles. Il m’a montré avec son doigt un symbole en faisant un geste de la main, les sourcils levés. Il me semblait évident qu’il me posait une question. Il a répété ce geste encore et encore, jusqu’à ce que je lui dise à voix haute « Je suis désolée Kanzi, je ne comprends pas. Je vais aller chercher Sue et peut-être qu’elle m’aidera ». Au début, Sue était tout aussi perdue. Puis, après lui avoir demandé de nous remontrer le mot, elle a réalisé qu’il s’agissait du symbole « gorille » et que son geste correspondait au signe du point d’interrogation dans la langue des signes américaine. C’était clair : il me demandait si j’étais un gorille. Ce qui était incroyable, je me suis dit, c’est qu’il ne connaissait pas la langue des signes américaine. Il avait vu une vidéo du gorille Koko qui l’utilisait et non seulement s’était souvenu des signes, mais, ne connaissant pas d’autres gorilles, avait supposé que tous les gorilles comprenaient ce langage. Si j’étais un gorille, il avait du penser, ce serait un mode de communication que je comprendrais. Il y avait tant de miracles dans cette interaction que je ne savais pas par où commencer ni comment écrire à ce sujet en respectant les règles. Je ne pouvais pas réutiliser les idées des autres, je ne pouvais pas citer d’autres recherches, je ne pouvais pas traduire l’essence de ce qui s’était passé dans un langage sec et distancié. Le sujet lui-même était tabou, de « l’anthropomorphisme ».

A cette époque, j’écrivais surtout sur les primates. Leur langage était ponctué de longs silences que je comprenais, riches de concepts intégrés dans un tout et ne servant pas à séparer les choses entre elles. Et j’ai réalisé que leur façon de parler, leur langage que j’écoutais et que je considérais comme une évidence, aurait tout aussi bien pu être une pierre tout au fond d’un lac pour les autres universitaires à qui j’en parlais. Les débats tournaient toujours autour de la question de savoir si les gorilles étaient sensibles à la douleur et intelligents. Ils en revenaient toujours au « fait » que les gorilles ne possédaient pas le langage. Ce que Kanzi m’avait dit le premier jour et ce qu’il m’a dit ensuite quand notre relation s’est développée ne comptait pas. Le « fait » était que les « animaux » étaient idiots.

A chaque fois que les gens utilisaient le mot « fait » de cette manière, je sentais que mon coeur marquait un arrêt dans ma poitrine, et que le langage que je connaissais se déchirait. […] Le mot évoquait dans mon esprit l’image d’un gorille, d’une personne, poignardée au coeur et jetée du haut d’un précipice, rapidement oubliée.

Ce même préjugé concernant l’usage du langage, je l’ai vu aussi appliqué à des personnes autistes. Une personne ne parlant pas la lingua franca des gens normaux devait être stupide, et par conséquent, bonne à être jetée. Je me souviens quand j’ai entendu l’histoire de mon ami Tito en Inde. Il était autiste et ne comprenait ni ne parlait le langage comme les autres, donc les gens ont déduit de ses silences qu’il fallait que sa mère le place en institution. Passant outre, elle lui appris à utiliser le clavier d’un ordinateur et, à l’aide de ce nouveau mode de communication avec le monde, elle pu découvrir qu’il avait un QI de 180. Tito écrit aujourd’hui de la poésie en plusieurs langues. Je me demande combien de gens peuvent vraiment comprendre la profondeur de cette poésie et ce qui est dit entre les mots qu’ils croient y voir.

Tito n’est qu’un exemple parmi des centaines de personnes sous-estimées de la même manière. Kanzi n’est qu’un exemple montrant jusqu’où un animal non-humain peut aller pour trouver un langage commun avec notre espèce, qui, à leurs yeux, doit sembler sourde et aveugle au langage riche qui soigne les plaies.

Je ne suis pas surprise d’avoir réalisé que les animaux et les humains qui ne communiquent pas de manière normale tissent des liens profonds. Les gens normaux voient souvent ce type de relations avec une sorte d’émerveillement, semblable à celui qu’ils éprouvent face à la magie ou au paradis.

Je suis ravie que tant « d’animaux de compagnie » travaillent – et parlent – en harmonie avec des gens qui n’ont pas de voix, ces relations permettant de valoriser les deux partenaires.

Alors que j’écris ce texte, ma propre chienne dort à côté de moi, allongée contre ma cuisse. Elle-même est handicapée, tout comme mon premier chien. Elle a une dysplasie des articulations et elle se fait des luxations aux rotules. Mon premier chien, qui l’avait choisie pour moi deux semaines avant qu’il ne décède, était lui-même un petit chiot rescapé d’une usine à chiots. Après huit ans passés dans une cage sans voir le jour, son coeur était anormalement gros, ses reins avaient durci, ses poumons étaient endommagés à force de respirer son urine et ses déjections. Une infection avait creusé un trou dans sa bouche jusqu’à son crâne. Il avait perdu ses poils et il mourait de faim. Je ne peux même pas imaginer les heures qu’il a dû passer à aboyer dans le noir, sans que personne n’entende sa douleur et sa solitude. La chienne qui dort près de moi était dans une situation similaire avant que je ne la trouve. Je n’ai pas à l’imaginer en train d’aboyer, étant donné qu’ils lui avaient coupé les cordes vocales pour ne pas avoir à l’entendre. Elle essaie toujours d’émettre des sons. Elle finit par laisser tomber et par me regarder avec tristesse.

Toutes ces créatures que le monde normal imagine silencieuses. L’enfant autiste, le singe dans le zoo ou le laboratoire, le SDF, les chiens en cages. Croire que leur silence signifie qu’ils n’ont pas de langage, pas de conscience, est pratique. Nous commençons cependant à s’intéresser à leur langage, et le temps où le silence était dépourvu de sens commence à être révolu. Les mots de ceux qui disent « Ils ne souffrent pas comme les humains » ou « leur souffrance sert à l’amélioration de l’humanité » commencent à sonner discordants, comme une bombe qui atteindrait le sol. Le langage des masses plus importantes que nous – le monde qui se réchauffe, le sol étouffé par les détritus, les animaux qui s’éteignent – aura soit le premier soit le dernier mot. Cela dépend de notre conception du langage.

Les difficultés que nous avons à décrire ce que le langage signifie dans ce nouveau dialogue qui se crée commencent à être dépassées. J’espère que les personnes autistes, et ceux qui sont restés incompris jusqu’à présent, seront les interprètes de ce nouveau langage. Le monde que les mots nous révèlent ne sera plus déchiré, et nos tentatives pour partager notre expérience différente du langage seront moins coupantes. Il s’agira d’un nouveau fait, plus doux, corrigé, créant une voie plus riche et plus soutenable. Nous serons connectés par l’écoute et l’esprit ; ce que les gens oublient souvent est que l’écoute est la partie la plus importante du langage. « 

J’ai trouvé ce texte après avoir visionné une conférence intéressante sur youtube au sujet de l’empathie des personnes autistes. La thèse du conférencier était que chez les personnes neurotypiques, il existe un biais attentionnel vers les informations sociales (visages, voix humaines…) les poussant à se « spécialiser » là-dedans d’un point de vue cognitif, et donc à devenir excellents pour interpréter, remarquer et comprendre les signaux sociaux.

A l’inverse, les personnes autistes recevraient toutes les informations venues de leur environnement sans distinction, sans posséder ce filtre social. Par conséquent, la distinction humain/non humain serait moins nette chez les autistes, ce qui faciliterait une empathie moins centrée sur l’humain. Les autistes recevraient plus d’inputs de leurs 5 sens et percevraient le monde comme davantage continu que discontinu, ce qui pourrait rendre difficile les catégorisations du langage toujours un peu arbitraires.

Il est possible que les autistes, du fait de prêter moins attention aux signaux sociaux et recevant plus d’inputs de leur environnement, n’acquièrent pas ou pas au même degré les compétences sociales des neurotypiques. Si cela est vrai, cela signifie que le handicap social dans l’autisme est secondaire et consécutif à des particularités perceptives, davantage que primaire/inné. Cela expliquerait que les compétences sociales et le désir de socialisation varient beaucoup d’une personne autiste à une autre, et que certaines personnes autistes sont bien meilleures que la plupart des neurotypiques pour comprendre en profondeur les sentiments, les personnalités et les esprits des autres.

Le conférencier cite également un auteur autiste qui décrit son expérience quand il doit remplir un sceau d’eau à l’extérieur. Il est distrait par la couleur rouge du sceau et le bruit de l’eau qui coule, qui lui rappellent toute une cascade de souvenirs. Il n’y a que dans un environnement connu et prévisible qu’il peut se concentrer et résumer cette expérience par « un sceau qui se remplit d’eau ».

Je termine en citant/traduisant une autre auteure autiste évoqué dans la conférence, Amanda Baggs :

« C’est ironique de constater que quand je me déplace en tenant compte de tout ce qui est présent dans mon environnement, on dit que je suis « dans mon monde ». Tandis que si je réagis à un nombre beaucoup plus limité d’éléments dans mon environnement et si j’utilise un nombre plus restreint de réponses, les gens affirment que je suis en train de « ‘m’ouvrir aux véritables interactions avec le monde ». »

2 commentaires sur “Traduction commentée d’un très beau texte écrit par une personne autiste sur l’usage du langage

  1. (la dernière citation, d’Amanda Baggs ! C’est exactement ça !!!)
    Merci pour ce partage d’un texte éblouissant, que je ne connaissais pas. On dit qu’une partie des autistes (ceux qui pensent de manière + verbale qu’en images, mais la distinction est parfois bancale en fonction de ce que je peux recouvrer le « langage ») ont un rapport très intime et symbolique aux mots, comme si les mots étaient des corps eux-memes, que l’on peut toucher, dans lesquels on peut s’immerger, avec lesquels on peut se lier d’amitié. Je me reconnais totalement là-dedans.
    Je suis assez fascinée par son récit de la perception du langage de la nature et des animaux.
    Pour moi, c’est l’expérience inverse qui s’est produite : mon amour du langage m’a permis au fil du temps (beaucoup de temps ^^) de me rapprocher des humains, tandis qu’elle m’éloignait de tout le monde non-verbal (enfants en bas age, animaux… ) : perte du sentiment premier du langage et apprentissage de son usage pragmatique.
    Mais la difficulté d’évoluer dans un monde où l’on fait mentir des mots, où l’on donne une signification particulière à des mots que je peux « ressentir » comme signifiant autre chose, ou bien à mettre en accord la perception brute que l’on a des sentiments de sa personne, et ce qu’elle en dit dans un discours fabriqué – cette difficulté demeure.

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    1. Merci pour ton retour. . Je pense que c’est aussi avec des textes comme celui-ci que l’on peut changer la vision que la société a de l’autisme. J’ai l’impression que les autistes ont un surfonctionnement perceptif, et que c’est cela qui fait qu’ils pensent en image, ou dans un langage lié à cette perception très intense de l’environnement. Du coup, le langage à usage social fait moins sens pour eux.
      J’ai aussi beaucoup de mal avec les hypocrisies sociales, les sentiments feints et l’usage de la langue dans le but de se donner un paraître.

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